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Le sanctuaire de la feinte Trini-thé
29 mai 2011

Tête de Rat

Chacun mon tour, comme on dit. Après la Panda sauvage et la Hamster berserk, il était temps que le Chat con partage ses écrits. Alors voilà. C'est pas fini, ni finalisé, mais ça donne un avant goût de la bête !

 

********

 

J'étais écrasé. Pas vraiment endormi. Incapable de réellement plonger dans le sommeil, incapable de m'en extirper, englué entre le rêve et la réalité. Mon livre était tombé de mes mains depuis vingt bonnes minutes, et je n'avais même pas la volonté de me pencher hors du fauteuil pour le ramasser. De toutes façons, cela faisait trois jours que je n'arrivais pas à dépasser la page 15. Malgré la chaleur étouffante qui régnait dans ma bibliothèque, mon corps était engourdi, froid. C'était peut-être l'alcool, le responsable. Mon verre avait laissé un rond écarlate sur le vernis écaillé du bureau.

Il est entré. Juste comme ça. Tout simplement. Sur le moment, j'ai eu du mal à y croire, à réaliser. Je le fixais, sans rien dire, sans comprendre. Aucun mot ne venait. J'avais la bouche sèche, la tête vide. Ce devait être un cauchemar. Je m'étais peut-être endormi, finalement. Des frissons d'angoisse parcouraient mon dos, et mon cœur battait tellement fort que je faillis ne pas entendre ce qu'il disait...

"La porte était ouverte."

Un sourire. Et il s'assit. Comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.

Et en cet instant précis, il me sembla presque que c'était le cas.

Rien de plus naturel.

Je n'étais pas encore habitué à ce genre de visites. Même aujourd'hui, j'ai du mal à empêcher ma peau se hérisser de chair de poule quand l'un d'entre eux fait irruption chez moi. Mais il avait cette assurance, cette façon tranquille d'exister, de se foutre royalement du fait que je crois en son existence ou pas, affalé sur mon canapé à trois heure du matin, qui me donnait l'impression que tout cela était normal.

Il n'était pas humain. Il me fallut quelques instants pour reprendre mes esprits, analyser ce que je voyais, et il s'installa un peu plus confortablement, se pliant à mon examen avec un petit sourire goguenard. Je cru deviner l'éclat de crocs entre ses lèvres... Ou plutôt devrais-je dire, ses babines. Sa tête tenait du rat, mais complètement imberbe. Sa peau était très pâle, comme poudreuse, si fine que je pouvais deviner au travers le dessin de ses veines. Ses mains semblaient humaines, mais ses yeux, noirs et fixes comme deux bulles d'encre, achevaient de me rappeler que j'avais affaire à quelque chose d'inconnu. Pour le reste de son corps je ne pouvais que postuler, puisqu'il était engoncé dans un costume trois-pièces qui avait bien l'air de valoir plus que ma boutique et mon appartement réunis. Et puis je n'étais pas vraiment sûr de vouloir en savoir plus, de toutes façons.

« Bonsoir, Monsieur Sagal. »

Je ne répondis pas, les mots bloqués dans ma gorge. Il poursuivit, encouragé par mon silence.

« Vous vous doutez bien que si je suis ici, c'est pour une raison.

- J'avoue qu'elle m'échappe un peu. »

La chose camoufla un gloussement derrière le revers de sa main et me jeta un regard en coin.

« Si je suis là, c'est pour vous aider. Mais non, voyons, ne prenez pas cet air sceptique... Vous avez besoin d'aide. Vous ne dormez plus beaucoup, n'est-ce pas ? »

Les larges cernes qui soulignaient mes yeux répondaient bien assez. Je manquais de sommeil. Depuis plusieurs semaines. J'avais même essayé le taï-chi, mais pas moyen. Aucune tisane ne pouvait m'aider à dormir. C'était devenu difficile ces derniers temps, parce que...

« Vous entendez des voix, la nuit. Des murmures. Vous ne comprenez pas leur langage, mais vous savez que c'est à vous qu'elles s'adressent. A votre âme.

- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler... »

Mon manque de conviction lui tira un nouvel éclat de rire, le sang me monta au visage.

« Des choses étranges semblent se produire autour de vous, mais personne d'autre ne semble le remarquer. Et vous commencez à voir des gens comme moi. Des gens différents. »

Depuis quelques semaines, un liquide noir suintait de chaque pore de la peau de ma voisine de pallier, de son nez, ses yeux, sa bouche, ses oreilles même. Goudronneux, il s'en dégageait une odeur suave de chair morte et de pourriture qui me donnait la nausée. Mais à part moi, personne ne semblait indisposé, et les hommes continuaient de défiler à sa porte. Des bancs de créatures flottaient devant la devanture de ma librairie, comme des poissons translucides dont on ne distinguerait que les organes internes et l'œil unique. Et ça n'était rien comparé à ce que je préférais oublier, mais qui dormait dans un angle mort de ma mémoire.

Devais-je être inquiet ou soulagé qu'un homme-rat sache ce que je traversais ?

« Je suis devenu fou, c'est ça ? Vous êtes mon psy, je nage en plein délire.

- La folie n'est rien d'autre qu'une vérité minoritaire. Mais non, vous n'êtes pas fou.

- Quand vous parliez d'aide...

- Je ne parlais pas de ce genre d'aide-là. Et quand bien même je serais capable de vous guérir, je m'en garderais bien, nous sommes trop peu nombreux pour nous passer de vous. Vous êtes un oiseau rare, petit veinard !

- Ô, joie suprême. »

Alors qu'il gloussait, je saisis la bouteille de vin. L'idée de la lui lancer à la figure me traversa l'esprit, en y mettant assez de force, je parviendrais peut-être à... Mais la petite partie de mon cerveau encore rationnelle me susurra que cela ne serait probablement pas une bonne idée. À la place, je remplis mon verre. Et le vidait aussitôt.

« Je n'ai pas eu l'honneur d'entendre votre nom, monsieur...

- Je manque décidément à tous mes devoirs. Mes amis m'appellent Marcus. Comptez-vous à présent comme l'un d'eux. »

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Commentaires
Y
roh ça à l'air bien sympa tout ça!<br /> la suiiiiiiite.
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