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Le sanctuaire de la feinte Trini-thé
15 août 2012

Le feuilleton du mardi : Chapitre Trois. Gastronomie Féérique.

« -Bob ! »

L'ange sursauta.

Pour une raison inconnue Dolorès l'avait trainé au 15éme étage de son immeuble devant une vieille porte de laquelle émanait des odeurs lourdes d'encens, d'antimite et de pâtisserie indéterminée.

Elle sautillait impatiemment , lui faisant signe de ramener son cul plus vite que ça.


« -C'est vraiment obligé, « Bob » comme nom ? »

Je t'ai demandé comment tu t'appelait, tu n'as pas voulu me répondre. C'est ça ou « machin », à toi de voir. »

Il soupira.

Dire qu'il restait encore 6 jours et au moins 7 heures avant de pouvoir partir.

 

De derrière la porte leur parvenait des bruits de cuisine, puis enfin un raclement de pas. Le battant s'ouvrit avec lenteur, laissant apparaître le visage d'un jeune homme de 14/ 15 ans pas plus.

« Bonjour Madison ! Mamie est là ? »

L’intéressé resta imperturbable et ne répondit rien mais les détailla avec soin, puis se tourna vers l’intérieur de l'appartement pour crier :

« C'est Dolorès et son Bob de la semaine ! Je les laisse entrer ? »

La réponse dû être positive puisque presqu'aussitôt il s'écarta pour leur laisser le passage libre .

Le « Bob de la semaine » envoya un regard assassin à la jeune fille, qui feignit de ne rien avoir entendu ni remarqué.

 Il ricana.

« Tu ne semble pas vraiment la bienvenue à ce que je vois. »

Dolorès se contenta de hausser les épaules.

« C'est seulement quand un empaffé d'emplumé m'accompagne. Ici les poulets divins ne sont pas trop appréciés. »

Il ouvrit la bouche pour lui faire une réponse bien sentie, mais un détail attira son regard et mit son sixième sens en alerte tellement maximale qu'il en oublia ce qu'il voulait dire.

 

Le salon dans lequel ils venaient d'entrer était encombré de deux vieux canapé de velours se faisant face,  desquels sourdaient de lourdes senteurs de fleurs passées, de fumée d'encens et de poussière des ans passés.

Des tapis colorés et dépareillés couvraient le sol en totalité , se chevauchant pêle mèle, couvrant même certains murs desquels ils balançaient avec paresses leurs longues franges ornées de perles et de coquillages.

Tout les petits meubles appuyés le long des murs vierges semblaient ployer et déborder de bric à brac divers ,de bibelots ridicules et désuets, de fioles colorées vraisemblablement emplies de sable coloré, d' herbes sèches ,de vieux bocaux et autres papiers et cartes postales jaunies et craquantes. La grosse commode basse arborait presque fièrement sur son dessus un énorme corbeau empaillé perché sur une branche, duquel semblait émaner toute la haine et la méchanceté du monde.

 

Bob resta pétrifié sur place, craignant de bouger la moindre parcelle de son être qui aurait mieux fait d'être désincarné mais qui pour le moment était bel et bien incarné. Trop même.

Dolorès ne semblait pas avoir remarqué quoi que ce soit se dit il, sinon elle ne l'aurait pas amené ici déjà, ensuite elle ne se serait pas lourdement laissé tomber dans un des vieux canapé et enfin elle ne lui aurait pas posé cette question d'une stupidité extrême:

« Ben qu'est ce que tu fous à rester planté là ?  Viens t'assoir !»

 

Bob se débloqua d'un coup.

« M'assoir ? M'assoir ? Mais tu sais où on est, crétinette ? »

Dolorès ouvrit la bouche mais avant qu'elle ai pu proféré un seul mot, l'ange l'avait attrapée par le col et la secouait sans ménagements.

« Chez une sorcière ! Une putain de sorcière ! De la magie ancienne, prohibée, ennemie des anges, de Dieu ! Faut qu'on se barre d'ici avant qu'elle ne nous transforme en … en... Barrons nous !

 Il amorça un demi tour sur lui même pour se précipiter droit sur la porte qu'ils venaient de franchir , mais se retrouva face a Madison , le jeune garçon de l'entrée.

L'ange se figea.

Peut être à cause de son regard vide et dénué de tout sentiment ?

Peut être a cause du bébé endormi profondément dans le porte bébé noué sur le ventre du garçon et qu'il n'avait pas vu ?

Ou peut être plus vraisemblablement à cause de la poigne de Dolorès qui venait de le saisir à la gorge ?

Quoi qu'il en soit, la fraction de seconde d'après il se retrouvait la tête presque incrustée dans les profondeurs d'un canapé, là ou Dolorès l’avait jeté sans ménagement, comme à sa douloureuse habitude.

« On est pas chez une sorcière, ignare, mais chez une fée ! » Grinça elle entre ses dents à son oreille.

Bob s'extirpa avec peine du meuble ancien.

« Une fée ? Mais je croyais que le Petit Peuple et toi… »

« Une Marraine la Bonne Fée, très exactement . C'est pas pareil du tout »L’interrompit elle.

 Et comme dans une pièce de théâtre bien huilée, ce fut ce moment exact que choisit leur hôte pour faire son apparition.

 

Bob fut un peu déçu puisque l'apparition fut somme toute d'une banalité affligeante: elle arriva par la porte de  la cuisine, en vieille robe de chambre rose, chaussée de pantoufle fatiguées assorties, et les mains encombrées d'un plateau chargé de gâteaux encore fumants et de thé, arborant le sourire ridée bienveillant de toutes les gentilles mamies du monde entier.

Une vieille dame somme toute normale pour l’œil du profane et même un peu pour lui, tant qu'à être totalement honnête. Ce qui le laissa comme deux ronds de flan et plus calme encore que s'il s'était mangé la douzaine de paire de baffe musclées que Dolorès prévoyait de lui mettre s'il pêtait encore un cable.

 

Il s'assit docilement à coté de cette dernière , et accepta même dans une demie conscience l 'assiette de gâteaux et la tasse que lui tendit avec douceur la vieille dame.

Quand il reprit un peu ses esprits , tout le monde autour de lui grignotait dans un silence religieux les pâtisseries maison en alternant d' une gorgée brulante . Même Madison s'était discrètement assis à coté de Dolorès , le bébé toujours profondément endormi lové contre lui.

 Le silence n'était troublé que par les bruits de mastications générale et les petits soupirs d'aise du bébé.

Dans cette atmosphère finalement rassurante, revigoré par la présence innocente du nouveau né, Bob croqua de bon cœur dans son propre gâteau.

Il était délicieux.

Il ferma les yeux et soupira de soulagement. Pas de mauvaise surprise, ça faisait du bien.

Une autre bouchée. Puis une autre. Jusqu'à ce que son assiette soit vide, bien trop vite.

 

La vieille dame lui tendit un plat garnit des mêmes friandises, qu'il accepta avec entrain.

 

« Ils sont délicieux ! A quoi sont ils ? »demanda-t-il entre deux bouchées .

« C'est des gâteau de Fées » répondit l'ancêtre avec un petit gloussement de plaisir.

« Ah oui, question stupide, Haha ! Vous êtes une fée, alors vos gâteaux sont des gâteaux de fée, logique ! »

 

Il y eu un silence, que Dolorès rompit.

« Non, t'as pas compris. C'est des Gâteaux. DE. féeS. »

Re-silence.

Bob la dévisagea, mal à l'aise.

« Tu veux dire... fait avec d'autres fées , pas "que  elle", c'est ça ? ».

Dolorès sembla réfléchir quelques secondes puis sourit.

« Oui, c'est ça. »

Bob se détendit d'un coup et se mit à rire nerveusement.

« Tu m'as fait peur ! Un instant j'ai cru qu'il y avait un truc louche ! Mais c'est juste des gâteaux normaux, mais fait par des fées ! »

Dolorès rigola aussi .

Oui, voilà : les gâteaux de Fées, c'est des gâteaux normaux, avec des vrais bouts de fées dedans, c'est tout !

Bob eu un hocquet de surprise.

"Et le glaçage, c'est les ailes ! » ajouta-t-elle.

 

L'ange se figea. Il tenait toujours dans sa main le reste de son dernier biscuit, et un bref coup d’œil lui confirma la dernière phrase de la jeune fille.

 

La nausée monta lentement en lui.


Dolorès riait toujours.

 

 

 

 

 

 

 

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